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Bibliographie

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ROBERT PICAVET

ERE-GRIFFIER VAN DE PROVINCIE ANTWERPEN

BARON GEORGES

 

HOLVOET

 

 

MAGISTRAAT

1899-1923

GOUVERNEUR VAN DE PROVINCIE ANTWERPEN

1923-1945

KABINETSCHEF VAN DE PRINS REGENT

1944-1950

Roularta Books

L’auteur, né en 1913, docteur en droit, gravit tous les échelons de l’administration provinciale d’Anvers, depuis 1931 jusqu’à sa retraite en 1977 étant alors greffier de la province. Il fut un jeune collaborateur du gouverneur Holvoet. La biographie de ce dernier, que Robert Picavet rédigea à partir de 1996, fut publiée en 1998 par les éditions Roularta à Roulers

(327 pages, non traduit en français).

Georges-J.-Lamoral-M.-G. Holvoet (baron en 1924, °1874, +1967) était le fils du baron Paul Holvoet (°1846) et de Georgine van der Dussen de Kestergat. Il épousa en 1903 Gabrielle Cogels (°1982, +1960), fille de Frédegand (°1850, baron en 1909) et de Coralie de Gruben. Ils eurent quatre enfants : Edith, qui épousa Jacques della Faille de Waerloos ; Paulo, Amaury et Serge.

Holvoet était né avec une toge, écrit l’auteur ! Sa génération était en effet la sixième, sans interruption depuis 1740, a avoir exercé des fonctions de magistrat ou de juriste, ainsi que d’autres fonctions officielles, principalement dans les régions de Bruges, Courtai et Ostende. Originaire de Dadizele en Flandre Occidentale, dont un ancêtre fut bourgmestre, la famille Holvoet fut anoblie en 1823, en la personne de Benoît, °1763, arrière-grand-père de Georges, qui après avoir été échevin de la ville de Courtrai et maître des requêtes au Conseil d’Etat, fut, sous le régime français, appelé à la fonction de préfet du département de la Loire ; puis, sous le régime hollandais, à celle de gouverneur de la province de Noord Brabant aux Pays-Bas.

Le père de Georges Holvoet, Paul, s’établit avec sa famille à Bruxelles dans les années 1870. C’est là que Georges fit ses humanités au collège des jésuites St-Jean-Berchmans et qu’il obtint son doctorat en droit à l’ULB, avec la plus grande distinction. C‘est donc tout naturellement qu’il choisit de faire carrière dans la magistrature. Il fut nommé substitut du procureur du roi à Bruxelles en 1899 ; procureur du roi dans la même ville en 1911 ; et avocat général à la Cour de Cassation en 1922, passant par-dessus la tête de trois magistrats d’un rang supérieur au sien.

En février 1918 le procureur du roi Holvoet réalisa un fait d’armes assez extraordinaire. En pleine occupation allemande - elle ne se terminerait qu’en novembre - le procureur général l’avait chargé de

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procéder à l’arrestation des neuf membres délégués (gemachtigden) du Raad van Vlaanderen (Conseil de Flandre) siégeant à Bruxelles. Il s’agissait d’un organisme composé de nationalistes flamands collaborant avec l’ennemi, qui  avait proclamé l’autonomie/indépendance de la Flandre, ce que la cour d’appel avait condamné. Avec l’aide d’un de ses substituts, Holvoet parvint à arrêter deux des membres du Vlaamse Raad : August Borms et Pieter Tack. En représailles les allemands déportèrent trois présidents de chambre de la cour d’appel et d’autres personnalités.  

L’auteur rappelle quelques faits significatifs concernant Borms, un des inciviques les plus remuants de l’époque. Condamné à mort en 1919, sa peine fut commuée en travaux forcés. Toujours emprisonné, il fut élu en 1928 au Parlement lors d’une élection partielle à Anvers. Il obtint 83.000 voix sur 133.000 votes valables exprimés, et 58.000 votes blancs. Le vote fut annulé par la Chambre des Représentants et Borms remis en liberté peu après. Après 40-45 il fut condamné à mort une deuxième fois pour des faits nouveaux et exécuté en 1946. La tradition anversoise du vote contestataire ne date pas d’hier !   

En mai 1923 le gouverneur de la province d’Anvers, van de Werve et de Schilde, décéda inopinément à l’âge de cinquante six ans. Diverses préoccupations quelque peu contradictoires déterminèrent le profil de son successeur : il fallait un candidat qui fasse le poids, de tendance modérée, pas trop mêlé aux querelles politico-linguistiques ; il devait maîtriser le néerlandais, être introduit dans les milieux anversois et instruit des équilibres politiques locaux ; et ne pas être accueilli trop favorablement par les milieux nationalistes flamands.

Georges Holvoet fut nommé gouverneur en novembre 1923, moins de deux ans après son accession à la Cour de Cassation. C’était pour lui un changement de cap radical. La nomination d’un bruxellois francophone surprit l’opinion anversoise. Sans appartenance politique déclarée, d’une modération avérée, porté par le succès de sa carrière de magistrat, bon bilingue, Georges Holvoet dispose d’un atout supplémentaire : il est le gendre de Frédegand Cogels,  gouverneur de la province de 1902 à 1909, encore actif dans la politique. Cette circonstance, a-t-on dû penser en haut lieu, excluait toute incertitude quant à l’arrimage du nouveau venu aux réalités anversoises. Ce que la suite des évènements fit plus que confirmer.  

Georges Holvoet s’attaque avec énergie aux nombreux dossiers qui exigent son intervention, dans des domaines qui lui sont souvent étrangers : l’urbanisation de l’agglomération anversoise, particulièrement celle de la rive gauche de l’Escaut ; la distribution de l’eau, puis celle du gaz ; l’établissement de l’institut de médecine tropicale ; le creusement des premiers tunnels sous l’Escaut ; le réseau d’égouts ; la rationalisation des services chargés de la navigation sur le fleuve ; la mise en place d’une commission d’étude de l’enseignement maritime ; le problème de l’enceinte fortifiée de la ville et des casernes, la circulation des autobus… Au fil des années il acquiert une connaissance impressionnante de ces dossiers. Pour un grand nombre d’entre eux il réussit à élaborer et à mettre en œuvre des solutions sages et rénovatrices. Un des grands succès du gouverneur fut, en 1927, la conclusion sous son égide d’une convention collective entre les employeurs du port (le secteur maritime) et les travailleurs syndiqués (les dockers). Révolutionnaire pour l’époque et plusieurs fois imitée, cette convention est aujourd’hui encore reconnue comme une des bases fondatrices de la paix sociale dans ce secteur.

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D’autres questions, en revanche, s’enlisent pendant des années, voire des dizaines d’années, principalement à cause d’un différend endémique entre la province et la ville d’Anvers et ses communes avoisinantes plus ou moins satellisées par elle. A la base une divergence de conception politique : municipalistes contre provincialistes ; et une source de pouvoir différente, la démocratie locale directe, à la ville ; la nomination du gouverneur par l’autorité centrale, à la province. Presque toujours Holvoet cherche la conciliation plutôt que l’affrontement, freinant plus d’une fois l’attitude plus radicale du conseil provincial. Les municipalistes finirent par l’emporter après la guerre de 40-45. Aujourd’hui la fonction de gouverneur est largement vidée de sa substance.                             

Mai 1940 : l’invasion allemande. L’avance est rapide, Anvers sera bientôt occupée. Quelle attitude le gouverneur doit-il observer ?

La loi du 5 mai 1937 établit le principe que les titulaires d’une fonction publique doivent rester en poste en cas d’occupation ennemie, sous peine de sanctions. Cependant des instructions générales édictées ultérieurement par le gouvernement, communiquées par circulaire aux gouverneurs de province en 1939, créent une exception : les gouverneurs sont obligés de mettre fin à leur fonction en cas d’occupation ennemie, étant libres de rester en pays occupé ou de partir. Holvoet décide d’émigrer en France. Arrivé à Montauban il est amené à constituer un service local d’aide aux réfugiés belges. Peu après à Vichy, le gouvernement belge le charge de coordonner cette même activité pour l’ensemble de la zone non occupée. Holvoet rentre en Belgique en septembre 1940.

Il ne renonça jamais formellement au poste de gouverneur. En effet, une autre loi, celle du 10 mai 1940, oblige les gouverneurs de province ayant mis fin à leur fonction au moment de l’occupation ennemie, à la reprendre d’office dès la libération. N’occupant plus de fonctions publiques, il adopte un profil bas, garde des contacts discrets avec ses principaux anciens collaborateurs de l’administration provinciale, dont certains étaient restés en service tout à fait légalement ; d’autres avaient quitté ou avaient été écartés. Holvoet eut aussi des contacts avec plusieurs mouvements de résistance.

Dès que la libération approche, Holvoet  prépare la reprise en mains de l’administration provinciale. Le matin du 4 septembre 1944 les blindés anglais, après une avancée éclair à travers la Belgique, déboulent à Anvers. L’après-midi même, alors que des combats sporadiques se poursuivent, Holvoet et son équipe restreinte (Picavet en fait partie) prennent possession du gouvernement provincial. Les lieux sont vides : le gouverneur nommé pendant la guerre (oorlogsgouverneur) a fui. Le lendemain Holvoet fait placarder une proclamation à la population. En voici le résumé :

Le grand soulagement que nous procure la libération de la province est tempéré du fait que le roi, prisonnier de l’ennemi, est empêché de se trouver parmi la population pour partager sa joie. Exprimons celle-ci avec retenue et dignité. Saluons tous ceux qui ont donné leur vie pour la patrie, ceux qui ont combattu l’ennemi, ceux qui ont œuvré au retour de la légalité. Mettons nous au travail,  reconstruisons un avenir prospère. Laissons le soin aux autorités compétentes de juger ceux qui se sont compromis avec l’ennemi. L’ordre public doit être maintenu. J’appelle la population à garder son calme. Enfin je désire donner un mot d’explication à ceux qui seraient étonnés de revoir ma signature. On vous a laissés dans l’ignorance de la loi du 10 mai 1940, prescrivant que les gouverneurs quitteront leur poste à l’arrivée de l’envahisseur ; et qu’il reprendront leur fonction dès que l’ennemi se sera retiré. En même temps que moi reprendront leur fonction les

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titulaires légaux d’une fonction publique qui en ont été écartés après mai 1940, même s’ils avaient démissionné volontairement.

Anvers, le 5 septembre 1944. Le gouverneur, Baron Holvoet.

Picavet écrit : le baron Holvoet craignait alors que la population ne lui tienne rigueur de son abandon de poste en 1940. D’où le texte explicatif à ce sujet dans la proclamation. Sa crainte était vaine. Il fut bien accueilli à Anvers en 1944.   

Holvoet avait repris la fonction de gouverneur le 4 septembre 1944, il allait la quitter onze jours plus tard. Il venait de recevoir la visite du prince Charles de Belgique - frère puîné du roi Leopold III, retenu prisonnier en Allemagne - à qui les chambres réunies du parlement s’apprêtaient à confier la charge de Régent du royaume. Charles proposait au baron Holvoet la fonction de chef de cabinet. Avant la guerre le prince avait été souvent accueilli au sein de la famille Holvoet, il y avait un lien de confiance entre les deux hommes. Holvoet accepte et entre en fonction quasi immédiatement. J’ai accepté croyant que ma mission durerait six mois ; elle a duré six ans, confia-t-il plus tard. Le 22 septembre un gouverneur de province intérimaire fut nommé. Holvoet, en disponibilité, en conserva le titre jusqu’à fin 1945. 

Personne semble-t-il, n’avait prévu avant la guerre l’éventualité d’une régence. Charles n’avait pas reçu de formation spécifique le préparant au rôle de chef de l’Etat. Il fut pour ainsi dire jeté dans le bain. Cependant, plusieurs témoignages de contemporains le créditent d’un réel instinct politique et il sut s’entourer d’un triumvirat de conseillers de grand calibre : outre Holvoet, il était composé de Jean van den Bosch, chef de cabinet adjoint, qui fit plus tard carrière dans la diplomatie ; et d’André de Staercke, secrétaire privé, alors âgé de trente et un ans. Ces trois-là, selon le commentaire plutôt musclé d’un journaliste de l’époque, n’étaient pas seulement les conseillers du régent et ses chiens de garde, ils étaient à la fois son père, sa mère et toute sa famille.

Des trois, le plus ambitieux et le plus influent était de Staercke. Malgré son jeune âge, il avait été actif dans les coulisses du gouvernement en exil à Londres et aurait même eu l’oreille du premier ministre anglais Churchill. Tout au long de la régence, jusqu’au retour sur le trône suivi de l’abdication de Leopold III, la politique belge fut dominée par la question royale. Presque fatalement - cette question avait provoqué une très grande polarisation de l’opinion - l’entourage  du régent fut qualifié d’antiléopoldiste par nombre de commentateurs. Il semble bien que de Staercke contrecarrait ouvertement le retour de Leopold III. Holvoet garda toujours le silence sur cette période.   

A l’âge de quatre-vingt cinq ans, Holvoet rédigea des « Souvenirs » qui ne furent pas publiés mais dont l’auteur eut connaissance. Il en cite le dernier paragraphe, reproduit ci-dessous, au sujet duquel on peut se poser la question : Holvoet a-t-il voulu soulever un coin du voile ?

«  A la fin de mes jours (…..) je forme des vœux ardents pour qu’on

«  se rende compte, un jour, que le Prince Régent n’a pas été, quoi

«  qu’on pense, un usurpateur dont la trace doit être effacée de

«  l’histoire, que la rancune est toujours stérile, que la Régence, dont

«  j’ai été un des piliers, a sauvé la Dynastie alors qu’on était à un pas

«  de la république, et que Pierlot, dont il faut admirer l’effacement et

«  la magnanimité, a sauvé le Pays.

Pierlot : premier ministre - catholique - du gouvernement belge depuis l’avant-guerre jusqu’après la libération, en exil à Londres pendant l’occupation.

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L’auteur cite un autre passage des « Souvenirs » :

«  Mes descendants peuvent savoir que j’ai conservé un dossier

«  confidentiel très complet sur les évènements, car il ne faut pas

«  que les historiens de l’avenir aient comme uniques sources les

«  écrits de … suivent des noms de personnes, que Picavet ne reprend pas.

 

Commentaire de Picavet : on m’a fait savoir qu’avant son décès Georges Holvoet avait donné à ses descendants des instructions

formelles interdisant la publication du dossier aussi longtemps que les  personnes qui y sont citées ne seront pas toutes décédées. Peut-être verrons nous un jour cet « addendum » à la biographie de Georges Holvoet ?     

Lorsque sa fonction de chef de cabinet du Régent se termine en 1950, Georges Holvoet a soixante-seize ans. L’heure d’une retraite calme et bien méritée est venue enfin. Il conservera jusqu’en 1955 la présidence du Fonds national de la recherche scientifique qu’il occupait depuis 1946 ; et restera jusqu’à son décès en 1967 membre de l’Académie royale des Sciences, des Lettres et des Arts.

Georges Holvoet avait acquis progressivement, aux échelons les plus élevés de l’Etat,  une réelle influence politique, laquelle trouva sa consécration dans la fonction de chef de cabinet du prince Régent. Cette magistrature d’influence, il l’avait construite patiemment en remplissant nombre de missions d’intérêt général. Certaines lui avaient été confiées par le gouvernement ; d’autres étaient dues à son initiative propre lorsqu’il voulait attirer l’attention des autorités sur un problème important. Un tableau de ses principales interventions :  

Après des manifestations de soutien à Borms à Anvers en 1929 Holvoet écrit une lettre personnelle au premier ministre dans laquelle il expose son avis quant à la façon dont le pouvoir devrait réagir vis-à-vis des revendications extrêmes des nationalistes flamands. Ce document est mémorable, d’une grande prescience lorsqu’on le juge à la lumière de l’évolution historique au cours des décennies qui suivirent. Nous le résumons en substance : ne nous opposons pas au mouvement flamand sous le prétexte qu’il serait dominé par son aile nationaliste anti-belge. Il y a depuis quelques années une démarcation beaucoup plus nette entre nationalistes et flamingants modérés (appelés alors « minimalistes »). Saisissons l’initiative en rencontrant largement les exigences des minimalistes dans un esprit de bonne volonté et de conciliation, pour que disparaisse chez eux le sentiment que chaque réforme doit être conquise de haute lutte. Ce sera le meilleur moyen d’arracher leurs armes aux extrémistes (om hen de wind uit de zeilen te nemen).

Après le décès du roi Albert 1er en 1934, des délégations officielles belges se rendirent dans les principaux pays alliés ou voisins pour annoncer protocolairement l’avènement du règne de Leopold III. Nommé ambassadeur extraordinaire en mission spéciale, Holvoet dirigea la délégation se rendant en Allemagne, composée de cinq diplomates et personnalités. Il avait été choisi notamment pour sa connaissance de l’Allemand, acquise au cours d’études suivies dans sa jeunesse à Bonn et à Heidelberg. La délégation fut reçue par le président von Hindenburg et le chancelier Hitler, au pouvoir depuis un an. Elle revint en Belgique lestée d’informations et d’impressions - assez pessimistes - sur la tournure que le parti national-socialiste imprimait à la politique du pays.         

En 1936 le baron Holvoet fut nommé commissaire royal aux grandes agglomérations urbaines. Son rapport, qui traitait entre autres de l’absorption par les grandes villes des communes périphériques et du

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problème des intercommunales, fut remis au gouvernement en octobre 1938. Comme souvent en pareil cas, il finit aux oubliettes !

Sous l’occupation allemande, dès 1942 (prescience, encore ?) Holvoet adressa au gouvernement belge en exil à Londres un mémorandum préconisant une série de mesures à mettre en œuvre en Belgique au moment de la libération du territoire : maintien de l’ordre, répression, législation, ravitaillement, information à la population, etc.

Juillet 1943 : nouveau mémorandum au gouvernement à Londres. Cette fois il vise les compétences des secrétaires généraux des ministères restés à leur poste en 1940 alors que le gouvernement avait émigré, vers la France d’abord ; et après la capitulation française, vers l’Angleterre. Il y démontre que les secrétaires généraux avaient largement franchi les limites de compétence fixées par la loi du 10 mai 1940 et formulait des propositions pour régulariser cette situation. Holvoet eut la satisfaction de constater que le gouvernement avait tenu compte de ses suggestions dans la rédaction de l’arrêté-loi interprétatif du 1er mai 1944 promulgué à Londres. 

Lors du décès du baron Holvoet en 1967, plusieurs de ses anciens collaborateurs magistrats, alors aux plus hauts rangs de la hiérarchie judiciaire, tels Hayoit de Termicourt et Ganshof van der Meersch, lui rendirent hommage. Ils brossèrent le portrait d’un homme courtois, calme et réfléchi, très ferme de caractère, doué d’une intelligence pénétrante et d’une grande autorité naturelle. Les observations personnelles de Picavet complètent le tableau : jusqu’à son dernier jour il resta ce qu’il était à vingt deux ans, un juriste imperméable aux compromis mais sans trop de juridisme, un gentilhomme humble mais conscient de sa propre valeur, inspiré par un humanisme chrétien et social, tolérant et ouvert aux opinions d’autrui. Son style de vie était sobre, il attachait de l’importance à l’étiquette et au protocole, était d’une honnêteté scrupuleuse et quelquefois pointilleux. Il avait le don d’encourager ses collaborateurs par des paroles à la fois simples, convaincantes et nuancées, sans familiarité, sans jamais élever la voix. Loyauté et impartialité sont des qualificatifs qui reviennent plusieurs fois sous la plume de l’auteur. Holvoet était plutôt taciturne et quelquefois secret, ce que d’aucuns ont pu prendre pour de la froideur.  Les Holvoet, le gouverneur et son épouse Gabrielle Cogels - que l’auteur décrit comme une personne toujours joyeuse, toujours dynamique et très généreuse de cœur - recevaient avec faste, tout en ayant l’art de créer autour d’eux une ambiance faite d’aisance, de simplicité et de bonne humeur.

L’auteur, Robert Picavet, est de toute évidence plein d’admiration pour son ancien patron Holvoet, qu’il considère comme ayant été son mentor. Il a écrit une biographie solidement documentée et charpentée, dans un style sobre et objectif, avec ce qu’il faut d’humour et d’anecdotes pour que la lecture reste attrayante même si certains des sujets traités sont plutôt austères. C’est bien l’histoire de l’administration provinciale au cours de l’entre-deux-guerres que l’auteur a voulu relater en priorité, et pour autant qu’on puisse juger il y a pleinement réussi. Le chapitre consacré à la période où Holvoet fut chef de cabinet du prince Régent est plus bref et plus elliptique. C’est normal. L’anversois Picavet n’a pas vécu dans ce contexte particulier et, lorsqu’il entreprend de se documenter à Bruxelles, quarante-cinq ans ont passé.       

 

 

Alain Cogels (*)

(*)  Les textes en italiques sont de la main de l’auteur de la bibliographie.